Si les chats ont neuf vies, toutes ne sont pas honnêtes (PV solo - chapitre 3)

Les retrouvailles furent chaleureuses mais un peu trop surjouées pour que tout soit sincère. Aussi convenait-il d’emblée de faire tomber les masques pour discuter sans arrières-pensées ni calculs, comme il seyait au sein de toute famille. Ou presque toutes.

« Mon oncle, es-tu venu me voir de ton propre chef ou bien sur ordre du Conseil ? » Demanda sans détour Gallia à son interlocuteur, un brin nerveuse et peinant clairement à la cacher.

Assis en face d’elle dans ce coin à l’écart de la foule des consommateurs d’une auberge quelconque de Denish. l’homme à l’impeccable tenue noire resta, lui, impassible. La question était naturellement attendue. Secouant légèrement ses longs cheveux blonds et réajustant ses petites lunettes rondes aux verres noirs, il prit son temps pour répondre avec un calme olympien

« Le Conseil ignore encore ce que tu es devenue, ma fille. Et je suis sur tes traces depuis que j’ai appris ton renvoi, comme tout bon parent adoptif. Mais, ce que je vois me surprend, Gallia. Et me déçoit également. »

La fausse neko blonde  baissa le regard, redevenant l’espace d’un instant une petite fille prise en faute.

« Pardon, mon oncle! Pardon! C’est que… Plus personne ne voulait de moi. Le conseil, les guildes légales… Depuis que j’ai été démise, je suis une paria. On ne me pardonne rien des torts que j’ai fait auparavant tout en oubliant de mes bons et loyaux services. » Se défendit-elle.

« C’est pour cela que tu as pris la tête d’une guilde noire juqu’alors en déclin ? » Demanda l’homme de sa voix grave.

« O-oui, oncle Void ! » Avoua la jeune femme, s’agitant doucement sur son siège en essayant de contenir sa nervosité que sa queue féline se contorsionnant trahissait.

Avant, c’était elle qui dirigeait les interrogatoires. Maintenant, sous le couvert d’une banale conversation, la jeune femme en subissait un qui pouvait potentiellement lui en cuire énormément. Son bienfaiteur et père adoptif était le seul être encore de ce monde qui comptait pour elle.

« Je vois. » Dit-il sans émotion. « D’où ton nouveau look. Au fait, je ne vois pas ta marque de guilde. »

Gallia tira la langue, un peu gênée par la remarque. Avant cela, Void lui reprochait déjà de mettre en avant ses atouts naturels avec une tenue blanche moulant ses formes et exposant son décolleté profond aux regards intéressés. Que devait-il penser aujourd’hui ! Sous son nez, sa fille adoptive arborait à peine dissimulée par sa cape sombre une tenue noire sexy qui seyait plutôt à un donjon BDSM ainsi que des attributs félins ostensibles – une longue queue et des oreilles noires perçant sa chevelure blonde – la faisant passer le plus naturellement du monde pour une véritable neko. La critique avait toujours été franche entre eux. Cependant, dans ces circonstances, tout commentaire pesait à la blonde, accroissant son malaise d’être sous le jugement de sa seule famille.

« Ma marque est sur ma fesse gauche. Si tu tiens à la voir… Désolée que ma vêture révélatrice ne te plaise pas, mon oncle. Pour ma nouvelle apparence, je suis en train d’apprendre la magie de Transformation. Comme je n’en suis qu’aux bases, mes possibilités sont actuellement limitées mais ces quelques détails que tu as remarqué aide pas mal pour consolider l’identité de ma guilde. Du coup, aussi souvent que je le peux, je prends cet aspect de Neko. J’oublie même parfois que l’avoir fait. Attends ! Je vais reprendre mon apparence normale puisque tu préfères sans doute. »

L’ex-inquisitrice redevint en un nuage de fumée une pure humaine. Souriant à son interlocuteur d’une façon un peu crispée, attendant sa prochaine prise de parole.

« C’était inutile mais je te préfère au naturel. Ta nouvelle tenue, bien que vulgaire, ne me déplaît pas non plus. Si tu n’étais ma fille adoptive et ne t’avais vu passer d’adolescente à belle jeune femme, je serais sans doute sous le charme. Surtout avec la réputation que tu as laissé derrière toi parmi les Chevaliers Runiques. Je te savais des tendances vicieuses depuis toujours, Gallia, mais j’ignorais toute l’étendue de ta perversité en matière de sexe. »

« Ho !? » Fit mine de s’étonner la blonde, son sourire se détendant. « J’assume tout ce qui s’est dit de flatteur sur moi en la matière ! »

« Il s’en est dit bien des choses. Depuis ton départ, des langues se délient pour vanter tes talents de fellatrice ou les attouchements lesbiens que tu prodiguais. Sur ton attrait pour les pratiques phalliques également. Et j’en découvre régulièrement toujours sur ta concupiscence ! »

La jeune rit de bon cœur puis but un peu de sa boisson en chope avant de rétorquer.

« Ba ! Il n’y a pas de mal à s’amuser quand même. J’ai pris autant de plaisir que j’en ai offert autour de moi. C’est équitable, non ? Être une salope est dans ma manière d’être. Si tu en doutais, considère que c’est un aveu. D'ailleurs, si tu veux une preuve pour mes talents avec ma bouche et le reste... »

Malgré son impassibilité apparente, le ton de Void montra son irritation à cette dernière plaisanterie.

« Mon propos n’a pas pour but un plan cul incestueux avec toi ! Même en l’absence de liens de sang, tu es l’enfant que j’ai élevé. Je suis venue ici pour te protéger de toi-même et t’empêcher d’avoir des ennuis plus graves que ce que tu as vécu. »

Partiellement soulagée, Gallia soupira aussi discrètement qu’elle le put à la dernière annonce. Celle-ci la rassurait quelque peu sur le but de cette entrevue. Toutefois, il fallait faire avaler la pilule.

« Mon oncle, mon choix est fait en connaissance de cause. Personne ne m’y a forcé et je ne compte pas abandonné mes nouveaux sous-fifres pour ne redevenir rien ni personne. Mais, je ne veux pas non plus t’apporter d’ennuis avec ma nouvelle condition de magicienne hors-la-loi. On doit pouvoir trouver à s’arranger entre nous, je crois. » Se lança dangereusement à découvert la jeune femme.

La blonde jouait là son va-tout. Il fallait être convaincante. Soit Void adhérait à l’arrangement auquel elle avait préalablement songé soit tout serait perdu. Dans ce dernier cas, ne voulant pas affronter l’unique bienfaiteur de son existence, la chipie n’aurait pour issue que la fuite ou la reddition. Et aucune de ces deux perspectives ne l’enchantait. L’instant était vraiment crucial pour l’avenir.

« Tu as déjà quelque chose en tête si je comprend bien. » Remarqua l’homme avec flegme sans en dire plus.

Malgré sa face de joueur de poker, le mage enquêteur du Conseil Magique laissa percer son intérêt dans le son de sa voix. Il semblait à l’instant perméable à une solution qui les mettaient tous deux hors des ennuis. La blonde hocha la tête. Inutile de tourner autour du pot.

« Voici ce que je te propose. Tant que le Conseil n’est pas au courant du renouveau de Black Cat avec une nouvelle maîtresse, tout va bien pour nous deux. Ma guilde devra donc rester le plus longtemps possible sous les radars de celui-ci. Et quand notre existence sera enfin découverte, elle devra être le cadet des soucis du Conseil. C’est la configuration idéale pour mettre un maximum de monde entre nous et les traqueurs du Conseil Magique. Cela devrait tous nous protéger pour longtemps. »

Void eut l’air pensif avant de répondre sur un ton sec…

« Qui te dit que je vais marcher dans cette combine et gentiment fermer les yeux sur la menace que constitue une guilde noire ? »

La blonde fit un effort surhumain pour soutenir le regard et tenir sous contrôle ses tiques corporels, tous signes laissant à penser qu’elle allait mentir à son oncle.

« Parce que tu y gagneras à le faire. Considère mon plan : Avec ma nouvelle place, une fois ma guilde mieux consolidée et développée parmi ses pairs, je te servirais d’informatrice. Nous garderons officieusement contact. Puisque le Conseil s’est fait infiltré jadis par des mages noirs, nous leur rendons la pareille à notre façon. Tu pourras te prévaloir de cela pour nous protéger si le Conseil venait à savoir ce que je suis devenue aujourd’hui. Nous avons monté ce stratagème entre nous deux uniquement par crainte des fuites vu ce qu’il s’est passé avec le précédent Conseil. Tu consigneras ces faits dans un document, une sorte de pseudo-journal intime, que tu garderas secret et pourras ressortir pour le produire plus tard si besoin devant les conseillers lorsqu’il sera question de Black Cat et de sa maîtresse. Cela te mettra aussi à l’abri si les choses tournent mal. Quant à moi, j’ai d’autant plus intérêt à te fournir en tuyaux sur ce qu’il passe dans le monde de la magie noire qu’en définitive, cela me préservera en partie des foudres de la loi si les autorités venaient à me capturer. Le Conseil Magique me jugera et de nouveau mais ne pourra faire l’impasse sur ce que je t’aurai appris d’intéressant au moment de me condamner. Au point où j’en suis, c’est un bon compromis. » Argumenta en réponse la magicienne avant de s’interrompre pour se rafraîchir le gosier.

« Quant à la menace que représente ma guilde pour les honnêtes gens, cette espèce plus ou moins éteinte, soit tranquille. Black Cat ne vise pas à renverser l’ordre en place ou mettre la main sur des artefacts magiques tout puissants et incontrôlables pour changer la face du monde. On ne fait pas non plus dans la criminalité violente. De toutes les activités délictueuses existantes dans le monde de la magie, il y a un créneau actuellement sous-exploité alors que pourtant rentable et assez peu risqué en termes de répression : celui du sexe ! La pornographie, les sex-toys prohibés, la prostitution sous métamorphose, etc... Dès lors que ces délits n’incluent pas de mineurs ou de violence, ils sont laissés de côté. Les efforts du Conseil se concentrent plutôt sur les guildes de comploteurs, d’assassins, de nihilistes et autres malfrats se signalant par leur violence. C’est justement vers cela que j’oriente en ce moment ma guilde pour l’avenir. Hors-la-loi, certes, mais sans réelle nuisibilité pour la société dont la satisfaction des vices nous fait prospérer. Un justicier pragmatique comme toi admettra qu’il y a bien pire ailleurs et plus urgent à neutraliser que nous, mon oncle. »

Le raisonnement était pertinent. Le sujet avait été habilement pensé. Void parut pourtant hésitant. Il était certes cynique mais également intègre. La blonde en noir jouait gros. Pourtant, elle ne doutait pas de ses chances de succès. Jadis, son père biologique non plus et cela l’avait perdu. L’ironie n’était pas absente de cette situation. La question du mage enquêteur prolongea le suspens.

« Les Chevaliers Runiques ont effectivement des choses plus importantes à faire que de confisquer des plugs magiques et autres cochoncetés fétichistes. » Reconnut le mage à lunettes avant d’avaler une gorgée de sa boisson puis d’ajouter sur le ton de la conversation : « Juste de la pornographie magique et des sex-toys, hein ? Si cela implique que vous ne cambrioliez plus de dépôts secrets du Conseil Magique à l’avenir, il se pourrait bien que ton plan soit viable à moyen voire même à long terme. »

Se frottant l’arrière du crâne, Gallia ricana de gêne. Enquêteur talentueux – il l’avait formé et elle ne l’avait jamais surpassé -, son oncle savait déjà. En effet, près de deux mois auparavant, les Black Cat menés par le magicienne avait pu s’introduire dans le hangar secret où étaient stockés les biens saisis dans le secteur par les Chevaliers Runiques. Certains n’étaient pas illégaux et beaucoup servaient de preuves dans des affaires jugées. Un grand nombre y figurait encore par défaut dans l’attente de savoir quoi faire d’eux : revente légal, destruction, stockage en confinement sécurisé, etc... La bureaucratie articulant tout cela et le débordement chroniques des agents en charge d’inventorier et expertiser tout cela faisait que ce travail prenait grandement du retard. La chute encore assez récente de diverses guildes noires liées à Oracion Seis avait participé largement à aggraver le retard. Au sein du stock pillé, se trouvait encore l’intégralité des affaires magiques saisies à la chute initiale de Black Cat. C’étaient celles-ci que la guilde en quête de renouveau venait récupérer avant tout. Ayant participé à la mise sous scellés et à la saisie des dits biens, l’ex-inquisitrice Gallia Nova comptait bien mettre la main sur certains éléments qui avait attiré son attention à cette époque. Cela permettrait de constituer rapidement un patrimoine magique à sa nouvelle guilde. Les plus notables étaient  les trois caissons de transformation que possédait la guilde déchue. Cadeaux d’une des guildes majeures de l’Alliance Baram qui était alors sur le point de vassaliser Black Cat, ceux-ci n’avaient guère eux le temps de vraiment servir. Par chance, le Conseil Magique avait réussi à abattre la guilde noire, pourtant déjà forte de dizaines de membres, avant que ne soit finalisée son allégeance. Un exploit remarquable qui avait permis de couper l’herbe sous le pied de Baram. Bien entendu, les mages noirs s’étaient aussi emparés de nombreux autres objets présents. La chipie avait laissé faire un peu à contrecœur. Voler juste les caissons eut été suffisant de son point de vue par rapport à ce que la magicienne envisageait d’en faire mais prendre plus consolidait son influence auprès de ses suivants. D’autant plus que la revente fournirait de quoi financer plu vite les projets qu’elle avait en tête. La contrepartie était qu’on s’apercevrait plus vite du cambriolage vu le nombre d’objets manquants à l’appel. Pour preuve, cela n’avait pas échappé à Void. A cette heure-ci, le Conseil avait déjà du ouvrir une enquête à ce sujet et consolider les défenses anti-intrusions des autres dépôts.

« C’est juste que nous avions besoin d’argent. Et vite. Ça coûte une vraie fortune de monter une guilde illégale. » Avoua la sorcière avant de poursuive en détail sa confession. « J’ai guidé mes sous-fifres là où je savais trouver de quoi en faire rapidement en revendant tout ce qu’on a pris. Je sais ce que tu vas dire à ce sujet mais, objectivement, ce ne sont pas quelques objets illégaux et kilos de Road Knight de plus en circulation qui vont bousculer l’ordre en place et faire basculer la société dans le chaos. Je peux tout de même te fournir la liste des clients qui n’ont pas pris la précaution de dissimuler leur identité ou de passer par des intermédiaires si tu souhaites absolument les récupérer. »

Pour montrer sa bonne foi quant à sa proposition, la jeune femme sortit des pans de sa cape un papier qu’elle tendit à l’homme en noir. La liste des individus qu’elle avait identifié lors des reventes de butin. Bien sûr, elle était incomplète. Gallia avait sciemment omis certains noms. Ces individus avaient tous un intérêt présent ou futur pour Black Cat. Les sacrifier ne se ferait pas spontanément. La liste mentionnait qui avait acheté quoi. Tous les biens ou presque y avait été recensés. En face de certains, il était annoté « Client anonyme ». C’était ces gens que la blonde couvrait avec ce pieux mensonge. Void s’en doutait probablement mais se contenta de sourire en coin après une rapide lecture de la liste. Il avait déjà un os à ronger avec cela Le geste était apprécié.

« Le milieu des guildes noires est un véritable panier de crabes. Si une autre guilde entend vous absorber de force pour s’agrandir ou monopoliser votre créneau, que feras-tu ? » Questionna d’un air distrait le mage enquêteur, son regard rivé sur le document qu’il achevait de lire.

Ce n’était pas faux. Ça arriverait bien tôt ou tard. Les Black Cat eux-même avait annexé peu de temps après leur arrivée à Denish une petite guilde locale spécialisée dans la production d’objets magiques illégaux. Fortement endettée auprès de la famille Pepper, Witch’s Brush s’en était trouvée à la merci de ces derniers avec un taux d’intérêt exorbitant à un moment où les affaires étaient particulièrement mauvaises. Ayant pillé peu de temps auparavant un dépôt secret du Conseil Magique, Gallia et ses sbires étaient en possession d’une rondelette somme d’argent après revente de la plupart des choses dérobées. Voyant une opportunité en or pour ses projets, la maîtresse de Black Cat utilisa une grosse partie de celle-ci au grand dam des siens pour régler la dette en échange de l’absorption des mages de Witch’s Brush – une demi-douzaine spécialisés dans les enchantements - par sa guilde. Trop heureux de sortir d’affaire, les enchanteurs acceptèrent. Le deal fût ainsi conclu. Et la production de sex-toys magiques put commencer.

« Je suis de taille à combattre des adversaires assez puissants et pouvoir repousser une autre guilde du même acabit. Et puis, en ce moment, nous recrutons également pour nous renforcer. J’espère ainsi trouver quelques mages d’un bon niveau avant que d’autres guildes tournent leurs appétits prédateurs vers nous. » Affirma la chipie, apparemment un peu trop sûre d’elle à ce sujet.

« Peut-être. Peut-être pas, Gallia ! » Rétorqua Void Nova sur un ton vaguement sceptique. « Et Baram, tu y as pensé ? Tôt ou tard, l’Alliance vous prendra en considération pour peu que vous attiriez son attention. Tu te doutes de ce qu’il se passera. Grimoire Heart ou Tartaros va vouloir vous mettre sous sa coupe de gré ou de force. »

Se laissant tomber en arrière sur sa chaise, la blonde laissa échapper sa lassitude.

« Oui, j’y ai pensé, mon oncle. Et je n’ai aucune envie d’être sous leur joug. Quand ces ordures se manifesteront, j’envisage d’abord de chercher à gagner du temps, d’en apprendre le plus possible sur la guilde intéressée à nous vassaliser tout en faisant jouer la concurrence avec l’autre guilde majeure de l’Alliance histoire de faire durer par une lente escalade les enchères pour nous vassaliser. En créant de la sorte des tensions en leur sein et avec ton aide, le Conseil aura peut-être enfin l’occasion de frapper douloureusement Baram avant que Black Cat ne soit devant une offre qu’elle ne pourra pas refuser ! Là encore, pense au bénéfice que tu pourras en retirer grâce à notre coopération. »

« Justement ! » Poursuivit Void. « Tu sembles l’oublier mais le Conseil Magique sera aussi du nombre de vos ennemis. Que comptes-tu faire face aux Chevaliers Runiques où tu as durant un temps servie, notamment face à d’anciens camarades ? »

Haussant les épaules, la chipie féline avoua en toute sincérité le fond de sa pensée.

« J’aviserai à ce moment-là, mon oncle. Je n’y ai pas pensé autrement qu’en restant sous le vent et en évitant absolument d’affronter les forces de l’ordre. Mais, si nous devions être dos au mur, je ne sais ce que je ferais à cette instant. J’espère juste que ma guilde ne se retrouvera jamais dans ce genre de situation. En fait, je compte aussi un peu sur toi pour cela. »

« Tu comptes peut-être un peu trop sur moi dans tout cela, ma fille ! » La rabroua-t-il.

La blonde s’enfonça un peu plus dans son siège et baissa la tête, honteuse comme une gamine. Il est vrai qu’elle mettait son père adoptif dans une drôle de situation. Il était légitimement en droit de refuser.

« Mais, je ne t’ai pas élevé et chéri pour te laisser tomber au moment où tu as le plus besoin de moi. Je suis un mage enquêteur intègre parmi les Chevaliers Runiques, certes, mais également un père adoptif qui se soucie de son enfant à la dérive. Disons que j’accepte pour l’instant ce que tu me proposes. Toutefois, je garde à l’œil ta guilde et tes actes. Si les choses vont trop loin, c’est moi-même qui viendrait rectifier ce que j’ai laissé faire jusqu’alors, Gallia. Quel qu’en soit le prix à supporter par la suite. »

La réponse eut l’air d’une sentence du Conseil Magique avec son côté comminatoire. L’avertissement serait scrupuleusement pris au sérieux. Pour autant, le résultat satisfit sa destinataire. La blonde se leva de son siège et contourna la table pour faire face à Void. Sans prévenir, elle s’agenouilla devant lui et s’inclina, sa face larmoyante d’émotions juste au-dessus du sol.

« Mer-merci, mon oncle ! Merci pour tout ! Et pardon pour tous ces soucis que je te cause! Tu peux me faire confiance pour... ne pas dépasser les bornes ! »

A cet instant, la jeune femme se fichait de ce qu’aurait pu penser toute personne extérieure en la voyant s’humilier de la sorte devant un mage au service du Conseil Magique. Void Nova était son modèle depuis son adoption. Même si elle était passée de l’autre côté de la loi, la chipie respectait et vénérait son père adoptif plus que quiconque en ce bas monde. Cela avait pour conséquence de lui faire mettre son orgueil si douillet d’ordinaire dans sa poche sans l’ombre d’une hésitation.

Le mage aux lunettes se pencha vers elle et posa sa main sur son épaule, lui faisant redresser la tête. D’un geste paternel, il essuya de ses doigts les larmes de sa pupille.

« Ta nouvelle situation te met en danger. Je vais te donner quelque chose pour t’aider si tu fais face à une adversité trop forte pour toi. »

Plongeant sa main dans son manteau sombre, Void en retira une statuette aussi grosse qu’un poing. En forme de pièce d’échec, celle-ci représentait un buste de chevalier en armure. Les yeux écarquillés, Gallia la reconnut de suite.

« C’est un… Un... » Bafouilla-t-elle, excitée.

« Oui. C’est bien un Custos Gigas que je met à ta disposition. » Confirma le mage enquêteur.

Les Custos Gigas… Une arme magique mineure du Conseil qui sans être top secrète était publiquement méconnue. Pour cause ! La complexité du processus de fabrication pour obtenir un seul exemplaire répondant aux dures conditions du cahier des charges établi à l’origine de ceux-ci assurait leur rareté. De plus, la plupart des Custos Gigas existants servaient de gardiens éternelles dans des lieux hautement sécurisés. Le peu d’exemplaires encore disponibles étaient, quant à eux, sous clés, accessibles uniquement aux personnalités les plus importantes parmi le Conseil Magique ou les Chevaliers Runiques. Il était douteux que Void Nova en possède un autre pour lui-même. En avoir un était déjà un véritable privilège au sein de l’institution.

« Utilise le judicieusement et n’en abuse surtout si tu veux m’évitez des ennuis. Il ne pourra vaincre certains adversaires que tu ne peux vaincre toi-même mais son aide te permettra de prendre le dessus ou d’avoir une diversion pour fuir si besoin. » Conseilla-t-il sur un ton pédagogue.

Les dires ne tombèrent pas dans l’oreille d’une sourde. Gallia avait déjà vu une fois l’un des Custos Gigas en action. Elle savait ce qu’il valait. La statuette permettait d’invoquer une armure géante animée par un esprit et renforcée grâce à une puissante magie d’enchantement. Sa taille, trois fois plus grande qu’un être humain ordinaire, rendait ce protecteur d’autant plus intimidant que son aspect hermétique, celui d’une solide armure de plates qui ne laissait entrevoir de son intérieur que la noirceur perçant de sa visière étroite. Robuste et résistant, sa durabilité était un cauchemar pour ses adversaires. Son arme, généralement une épée, adaptée à ses dimensions colossales et maniée par une puissance de géant, n’avait rien d’ornemental. En témoignaient les dévastations qu’elle pouvait causer aux éléments de décor environnants d’un seul revers ! Et contrairement à ce que son apparence massive laissait initialement à croire, ce géant de fer était rapide, relativement agile et capable de feinter, d’user de stratagème et de s’adaptant à son adversaire en se battant. Toutes ces qualités appréciables avaient pour contrepartie une immense difficulté à la fabrication des Custos Gigas tant quant à la durée – impossible de les produire en masse à la chaîne – et en termes de coût -exorbitant !-. En recevoir un en cadeau ou même en simple prêt n’était pas un geste anodin !

« J-je ne peux pas accepter un cadeau de cette valeur ! » Déclara la blonde, bouleversée.

« Si ! Tu le vas devoir pour ton bien ! Dis-toi que cela me tranquillise l’esprit de savoir que tu es protégée. » Répliqua le mage en attrapant son chapeau long sur le bord de la table.

« Merci ! Merci, oncle Void ! » Gémit la magicienne à nouveau en larmes, ses bras autour sur cou de son père adoptif.

Celui-ci lui rendit brièvement son étreinte, non sans chaleur, avant d’y mettre fin.

« Je dois partir, maintenant. N’oublie pas mes mises en garde et prends soin de toi, ma fille ! »

« Ne t’en fais pas ! » Répondit la blonde du tac au tac.

Lui adressant un dernier sourire, le mage aux longues mèches bondes réajusta ses lunettes rondes et quitta l’alcôve où la rencontre avait eu lieu à l’écart des autres consommateurs. Void Nova allait dans un premier temps mettre à profit la liste que lui avait donné sa pupille pour limiter les dégâts causés par la réintroduction d’objets illicites en circulation. Il était possible qu’en partant des acquéreurs de nouvelles pistes plus intéressantes encore se profilent derrière. Son marché avec Gallia s’annonçait déjà profitable. Circulant de sorte à repérer une éventuelle filature, le mage enquêteur se trouva rapidement un coin tranquille. Après s’être assuré être seul, il prit contact via sa lacrima de communication avec l’un de ses alliés les plus sûr auprès du Conseil Magique.

« Contact renoué. Merci de m’avoir prévenu, cher ami. Elle n’entend pas revenir sur ce choix regrettable mais consent à nous aider depuis le mauvais côté de la barrière. Nous avons un accord et il semble déjà porter ses fruits avec ce que j’ai obtenu spontanément. Je préconise pour l’instant de lui lâcher la bride tout en poursuivant discrètement l’observation. Inutile d’inquiéter le Conseil pour l’instant. »

« PPPFFFttttt… D’accord. J’ai toute confiance en toi, Void. Beaucoup moins en elle. Soit prudent dans cette affaire. Elle te touche de trop près. » Prévint son interlocuteur.

Son soupir préalable en disait long sur son appréhension de principe sur les méthodes pas très orthodoxes.

« Pas d’inquiétude. Je sais ce que je fais. » Rassura le mage vêtu de noir.

« J’espère ! » Conclut son correspondant pas plus rassuré.

A Era, devant sa lacrima de communication, Lahart était bien contrarié. Les Chevaliers Runiques avait déjà perdu une inquisitrice compétente malgré tous les travers qui la rendait odieuse. La savoir passée renégate suite à son renvoi était une pilule difficile à avaler pour tout ceux au courant, heureusement en nombre extrêmement restreint. Et voilà que Void Nova, son père adoptif et serviteur de valeur du Conseil se prenait de la protéger sur la base d’un accord dont le chef de s Chevaliers Runiques attendaient des éclaircissements. Lahart aurait sans doute à se faire des cheveux blancs lorsqu’il apprendrait pour le Custos Gigas prêté. A part lui, avec le recul, il se demandait si pour une fois le Conseil Magique n’avait pas fait une erreur d’appréciation concernant le dossier Gallia Nova. S’il avait pu prévoir sa dérive, est ce que sa décision eut été différente ? Qu’importe ! Il fallait faire avec maintenant et souhaiter que Black Cat ne devienne pas une plaie au même titre que les guildes majeures de l’Alliance Baram.

Restée seule dans l’alcôve, la maîtresse de Black Cat termina sa boisson et patienta un instant en repensant à toute la conversation. Le cœur serré par la faveur que son père adoptif lui avait faite, elle rangea son présent et quitta l’auberge après avoir payé les consommations. Ses réflexes professionnels n’étaient en rien émoussés. Elle aussi savait repérer et échapper à une filature. En l’état, la blonde s’aperçut effectivement être suivie. Se débarrasser de l’importun fût aisé. Après l’avoir entraîné dans une ruelle sombre et déserte, la magicienne  le neutralisa et interrogea un pied sur ses testicules sous gravité fortement accrue. Craignant de ne pouvoir laisser de descendance, le grouillot passa de suite aux aveux. Un certain cartel de trafiquants de Road Knight avait eu vent des quelques kilos que Black Cat avait revendu à sa clientèle de détaillants ou consommateurs pour un prix inférieur à celui du marché local de la drogue et s’en était grandement offusqué. Le dit cartel comptait faire passer en force prochainement le message aux mages noirs avec l’aide d’une ou deux autres guildes clandestines, histoire de bien faire le poids. Les négociations d’engagement étaient en cours actuellement. Pressant son avantage et légèrement les parties de l’homme à sa merci, la blonde féline lui soutira tout ce qu’il savait à ce sujet et plus largement de l’organisation que cette larve servait. Puis, une fois suffisamment informée, elle l’assomma et recontacta son père adoptif pour transmettre ce qu’elle venait d’apprendre. Un beau coup de filet allait avoir lieu à Denish. Dans tous les cas, sa guilde n’y aurait pas sa place. Les plus malins feraient vite un lien entre la chance anormale de Black Cat et le fait que les autorités ciblent prioritairement ceux qui l’entourent, clients comme ennemis. Bref, il fallait quitter cette ville pour se réinstaller ailleurs. Le deuxième coup de fil par lacrima de Gallia fût pour son bras droit, Kitcat Matô, avec toutes les consignes nécessaires pour organiser leur départ dans les meilleurs délais. Le séjour à Denish prenait ainsi fin.

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Starring : Void Nova & le Custos Gigas